Le livre du mois

Septembre

Georges Simenon, Le Fils, LGF/Le Livre de Poche, 2013
 

Ce mois-ci, nous vous proposons un regard particulier sur un livre, en lien avec l’actualité.

Les romans de Georges Simenon seront toujours d’actualité, tant ils nous parlent de la destinée humaine, de nos désirs et de notre rapport au temps.    

Les mots-matières de Simenon ont du poids, de la densité, une odeur : « la pluie », « le brouillard », « le pavé », « le poêle », « le placard», « les tiroirs », « un bâton de rouge », « les dessous », « le linge » ; tout est là, dans cette simplicité et ce langage universel, indémodable. Simenon est l’auteur le plus adapté au cinéma, son univers est inépuisable.

La Fondation Jan Michalski à Montricher lui consacre une exposition, des conférences et des rencontres, jusqu’au 29 septembre 2024.

Le thème de la filiation et de la transmission est au cœur du récit des Sorbiers Rouges. C’est la matière du roman de Georges Simenon, Le Fils. Il s’agit d’une fiction comme le rappelle l’auteur, en préambule de l’édition originale de 1957.

 

Le Fils, Georges Simenon, extrait :

Des phrases lues ou entendues me sont revenues à l’esprit, en particulier :

« Nous revivons dans nos enfants. »

Quelque part aussi, j’ai lu qu’après notre mort, nous jouissons d’une survie d’environ cent ans, le temps, à peu près, pour ceux qui nous ont connus, puis pour ceux qui ont entendu sur nous un témoignage direct, de disparaître à leur tour.

Après, c’est l’oubli ou la légende.

Cent ans ! Trois générations ! Regarde autour de toi, interroge tes amis. Tu te rendras compte que, à de rares exceptions près, ces trois générations-là sont la limite de la survie.

Et cette survie dépend du premier témoignage, dépend du fils.

J’allais en avoir un, qui me regarderait vivre et qui transmettrait à ses enfants l’image ainsi imprimée dans son esprit.

Georges Simenon, Le Fils, pages 101-102.

 

 

J’exprime ma vive reconnaissance à mon fils Guillaume, avec qui je partage une véritable passion pour les romans de Simenon et un attachement particulier pour le Commissaire Maigret, ce « raccommodeur de destinées ».

Marcel Schiess

 

En savoir plus

De Georges Simenon, à lire en particulier : « Le Train » ; « La Maison du Canal » ; « La neige était sale » ; « L’Homme de Londres » ; « Le Bourgmestre de Furnes » ; « Le Voyageur de la Toussaint » ; « Pedigree » ; « Lettre à mon juge » ; « Lettre à ma mère » ; « Mémoires intimes »…et tout Simenon à la Pléiade !

Un choix parmi les enquêtes du Commissaire Maigret: « L’Affaire Saint-Fiacre » ; « La Guinguette à deux sous » ; « L’Ombre chinoise » ;  « Maigret et Monsieur Charles » ; « Félicie est là » ; « Maigret aux Assises» ; « Maigret et la Grande Perche » ; «La Patience de Maigret » ; « Maigret et l’homme du banc » ; « Maigret à Vichy » ; « Maigret et la jeune morte », et tant d’autres destinées humaines…


La Nuit du carrefour
Jean Renoir France / 1932 / 75 min
D’après le roman La Nuit du carrefour de Georges Simenon.
Avec Pierre Renoir, Winna Winfried, Georges Koudria.
La Cinémathèque française, Paris

Un florilège de films :

La Nuit du Carrefour, Jean Renoir (1932)

La Marie du Port, Marcel Carné (1950)

En cas de malheur, Claude Autant-Lara (1958)

Maigret tend un piège, Jean Delannoy (1958)

Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre, Jean Delannoy (1959)

L’Aîné des Ferchaux, Jean-Pierre Melville (1963)

La Veuve Couderc, Pierre Granier-Deferre (1971)

Le Train, Pierre Granier-Deferre (1973)

L’Horloger de Saint-Paul, Bertrand Tavernier (1974)

Le Coup de lune, Serge Gainsbourg : Équateur (1983)

Monsieur Hire, Patrice Leconte (1989)

Betty, Claude Chabrol (1992)

L’Homme de Londres, Béla Tarr (2008)

La Chambre bleue, Mathieu Amalric (2014).

A la Cinémathèque suisse, Lausanne :

Georges Simenon : de la plume à l’écran. Cycle de films, 4 mai -2 juillet 2023.

Le livre du mois

Août

Ce mois-ci, nous vous proposons un regard particulier sur un livre, en lien avec l’actualité.

L’année 2024 est l’occasion de commémorations d’événements de la Deuxième Guerre Mondiale. Le Débarquement et la Libération de Paris en 1944 sont les plus commentés.

1944, c’est le nœud dramatique du récit des Sorbiers Rouges. A l’hoteau, au Prévoux, un drame intime plonge une famille dans le deuil et le désespoir ; en France voisine, sur ordre de Vichy, la Milice assassine Georges Mandel et Jean Zay, deux hommes d’Etat, l’un de droite, l’autre de gauche, brillants et intègres, adversaires absolus de Pétain et Laval.

Ils ont payé de leur vie, nous ne devons pas les oublier.

A lire absolument : Jean Zay, Souvenirs et solitude, Belin Alpha Histoire, 2017

En savoir plus

Le Locle, le 16 mai 1946.

Madame Vve. Marcel Dubois

Le Prévoux

Madame,

    La longue maladie dont souffrait M. Dubois, les nouvelles que nous en avions ces dernières semaines ne nous laissaient pas beaucoup d’espoir de le revoir au Collège.
Nous aimions cependant penser que le mal lui laisserait encore quelques moments d’accalmie.
Notre vœu n’a pas été exaucé et son décès laisse l’école, comme sa famille, plongée dans une profonde tristesse.

    Au moment où il s’en va, la Commission scolaire et la Commission de l’école de commerce tiennent à vous dire combien elles ont apprécié M. Dubois. Il fut un excellent maître. Il connaissait parfaitement la langue allemande et savait l’enseigner. Cette tâche, si ardue parfois, il l’a toujours remplie avec dévouement, conscience et savoir-faire.  De plus, il a su gagner l’affection de ses élèves dont beaucoup sont devenus dans la suite de bons amis pour lui. Brisé par la souffrance physique et le deuil, il a fait vaillamment son devoir jusqu’au bout, laissant ainsi un bel exemple à tout son entourage, à notre jeunesse en particulier.

    Dans les heures difficiles que vous passez, les autorités scolaires vous expriment, ainsi qu’à toute votre famille, leur très vive sympathie et souhaitent que le bon souvenir que laisse votre cher défunt à toute notre population, la reconnaissance des autorités, des élèves, de leurs parents, vous soient de quelque réconfort dans votre deuil.

    C’est dans ces sentiments que nous vous prions d’agréer, Madame, nos salutations respectueuses.

Au nom de la Commission Scolaire :

Le Secrétaire
M.H Primault
Signature lisible

Le Président
Signature autographe, pas lisible

Au nom de la Commission
De l’École de Commerce :

Le Président
Signature autographe, pas lisible

Le Patois

Marcel-Henri Dubois parlait, lisait et écrivait le patois du Jura neuchâtelois.
Il note dans son cahier « A bâtons rompus No 3, en 1931 :

« Ce patois du Locle et de la Sagne que ma génération ignore complètement »

Pour Marcel-H. Dubois, le foyer c’est l’hoteau, la maison de la famille Dubois au Prévoux, qui doit son nom à un terme de patois :

3o Aussi, par conséquent, c’est pourquoi: Il était très avare, «djierè, a sn’aterma è n’i avai quasi gnyon, on ne l’ammâve pas», aussi, à son enterrement, il n’y avait quasi personne, on ne l’aimait pas (N Ch. de F.). Le lieutenant de police voulait que tout fût rangé et «le z ètsirle foûran dzère apohyî…» contre l’hotau, les échelles furent donc appuyées contre la maison (N Bér. Pat. neuch. 117).

Pour en savoir plus sur le patois neuchâtelois :

Université de Neuchâtel, dialectologie :

Le « patois » neuchâtelois est un dialecte de la langue francoprovençale, l’une des trois langues traditionnelles de l’espace gallo-roman, avec l’occitan dans le Sud, et le français (langue d’oïl, avec ses dialectes) au Nord. Neuchâtel se trouve à la limite nord-est du francoprovençal, qui comprend toute la Suisse romande (sauf le Jura), une partie du Jura français, le Lyonnais, le Forez, la Savoie et la Vallée d’Aoste (carte).

Comme tous les dialectes, le parler francoprovençal de Neuchâtel se distinguait légèrement d’un village, d’une vallée à l’autre, sans que cela pose de difficultés pour la compréhension mutuelle (carte).

Les derniers locuteurs du francoprovençal neuchâtelois ont malheureusement disparu dans les années 1920. Peu avant, conscient de sa disparition imminente, un groupe d’intellectuels et patoisants neuchâtelois a essayé de « sauver les meubles », en publiant un volume souvenir, contenant tous les textes en patois neuchâtelois qu’ils avaient pu rassembler. Ce volume a été publié à Neuchâtel en 1895; il se trouve dans toutes les bonnes bibliothèques du canton.

Ci-dessous, nous reproduisons le début d’un récit en patois de Boudry, rédigé par L. Favre, président du Comité du patois de la Société cantonale d’histoire et d’archéologie, avec sa traduction en français régional.
Voir le texte ment. : http://www5.unine.ch/dialectologie/NE_Presentation.html

Marcel Dubois, portrait de son père Abram-Henri Dubois, horloger loclois

Abram-Henri Dubois, né le 6 juillet 1858, l’état-civil indique le 26 juin, épouse Louise-Marie Simon-Vermot, née le 3 juin 1858, fille de Lucien, de Montlebon (Doubs, France), n’eurent point d’enfants, mais m’adoptèrent à la mort de mon père William, et furent mes parents, dont je vénère et bénis la mémoire tous les jours. Le numéro 73 de la Rue des Envers fut leur domicile de 1894 au 20 juillet 1930. Ma mère adoptive fut enterrée le jour de Noël 1918 (morte à 60 ans).

Celui que nous avons toujours appelé « Grand-Papa » par reconnaissance y fut veuf de 1918 à 1930, mais trouve à notre foyer et au contact de nos deux enfants des affections chaudes, un intérêt toujours en éveil. Dans mes « A bâtons rompus », j’ai essayé de faire revivre cette grande figure. Cher et bon Abram-Henri !

« Cet homme auquel je voue un véritable culte, une reconnaissance renouvelée à mesure que mes enfants grandissants attendent de moi davantage – l’enfant ne vivra pas de pain seulement…le cœur veut sa nourriture, l’esprit aussi.

Votre grand-papa ne m’a laissé manquer de rien, j’ai pris à son contact de grandes, de belles leçons d’énergie, de complaisance, de charité pratiquée sans parler, de dévouement, d’abnégation pour tous ceux qui avaient/auraient besoin d’aide.

Il aurait pu m’asseoir à l’établi, me faire quitter définitivement l’école. Il ne l’a pas fait.
Je suis bien certain que jamais pensée de lucre ne l’a effleuré à la croisée de « mes chemins ».

Un grand cœur
Un caractère

Un homme aux réactions vives, promptes, trop rudes souvent (un ressort qui se détend soudain et vous saute à la figure). »

Note de Marcel Dubois : « 105 kilos à 70 ans ! »

Faire-part de la mort d’Abram-Henri Dubois : « Non pour être servi, mais pour servir »